ÉTUDE CNER –
LA MARQUE BRETAGNE : DE L’IMAGE AU MARKETING TERRITORIAL

Une contribution d’Anne Miriel à l’ouvrage du CNER Attractivité et compétitivité des territoires – Séduire et convaincre par le marketing territorial – 2018, à retrouver ici.

La Marque Bretagne n’est pas née d’hier. Lancée officiellement en janvier 2011, elle trouve sa source dans une tradition bien ancrée en Bretagne, celle qui consiste à se rassembler pour promouvoir et valoriser une région que la géographie éloigne des grands centres de décision. Mais aussi parce que dans ce pays de conteurs, nous aimons nous raconter, dire qui nous sommes, montrer à quoi ressemblent nos paysages, faire entendre le son de nos musiques et de la langue bretonne ; raconter les « success stories »  d’une économie partie de rien il y a cinquante ans.

C’est sans doute cette fameuse fierté d’appartenance qui nous invite à montrer qui nous sommes et dont on dit, à l’heure du marketing territorial, qu’elle constitue un véritable atout.

À l’aube des années 2000, plusieurs opérations collectives, conduites sous l’égide du conseil régional, commencent à donner le ton : des Galeries Lafayette à Paris au salon des Régions de France à Tokyo, en passant par l’exposition universelle de Hanovre ou encore Harrods et le marché de Covent Garden à Londres, la Bretagne montre et vend son savoir-faire. La mécanique de promotion collective se met en route, essentiellement autour des productions et créations emblématiques du territoire : produits alimentaires (de la terre et de la mer), textile, art de la table… toujours accompagnés d’ensembles de musique traditionnelle bretonne, extraordinaire force d’expression qui ponctue la démonstration.

La Breizh Touch, les premiers pas du marketing territorial de la Bretagne

 

En 2007, avec la Breizh Touch, la Bretagne fait l’expérience d’une mobilisation sans précédent de ses forces vives, économiques, culturelles, académiques…au service d’une vaste opération de promotion du territoire dont l’objectif est de montrer la Bretagne  « comme vous ne l’avez jamais vue ».

Partant d’une idée initiale qui consistait à faire défiler les bagadoù bretons sur les Champs Elysées, le président du conseil régional, Jean Yves le Drian, a voulu, avec la Breizh Touch, bâtir un projet « de portée beaucoup plus large…et marketing ! », comme le souligne Benoît Meyronin, dans son livre Le Marketing territorial.

Succès de fréquentation et d’audience donc, mais aussi succès de mobilisation des acteurs régionaux autour d’un objectif commun : faire évoluer l’image de la Bretagne et renforcer son attractivité économique, touristique, culturelle…

Collectivités, agences de développement, pôles de compétitivité, universités, centres de recherche, entreprises, grands événements culturels et sportifs…personnalités du monde économiques, artistique, médiatique… la mobilisation s’est révélée sans précédent. Elle a été le signe d’une forte attente de la part des acteurs pour que soit impulsée et mise en œuvre une politique concertée de promotion de la Bretagne autour d’un message clair, valorisant notamment la dynamique économique du territoire.

La route est alors tracée pour engager une démarche plus ambitieuse destinée à répondre aux problématiques d’attractivité du territoire.

La marque du collectif

Le président du conseil régional  opte alors pour l’élaboration d’une stratégie globale qui s’appuie sur une marque de territoire et qui prenne en compte l’ensemble des champs de l’attractivité : l’économie, le tourisme, la culture, le sport, l’enseignement supérieur et la recherche.

Il porte et suit personnellement le projet, s’entoure d’un comité de pilotage constitué des vice-présidents et des directeurs des services de la région concernés par l’attractivité.

Le pilotage opérationnel du projet est confié à la direction de la communication, qui constitue un comité de suivi permanent avec l’agence régionale de développement économique et le comité régional de tourisme.

S’en suivent deux années de travail menées en collaboration avec Joël Gayet du cabinet Comanaging et l’agence Communiquez (aujourd’hui MMAP à Lyon). Études, sondages, interviews d’experts ont permis d’élaborer un portrait de territoire cernant l’image vécue et perçue de la Bretagne sur 40 thématiques. Une extraordinaire « matière de Bretagne » dans laquelle nous puiserons pour définir un code de marque, territoire d’expression à partager.

Une fois encore, les Bretons ont montré leur capacité à se mobiliser et à jouer collectif avec une très forte participation des principaux acteurs et réseaux régionaux tout au long du processus d’élaboration de la marque Bretagne.

L’engagement, le sens du collectif, l’ouverture et l’imagination sont les quatre valeurs-socle de la Marque Bretagne qui naît de ces travaux. Une marque de territoire qui se nomme tout simplement « BRETAGNE » et qui, dans son expression graphique, reprend les codes du drapeau breton, le « Gwen ha du » : le noir, le blanc et les rayures.

À l’heure des « marques-concept » et des « marques-signatures » – Only Lyon, I’Am-sterdam, cOPENhague, Be Berlin, Auvergne Nouveau Monde…– le choix d’une marque de territoire qui ne porte que son nom interroge.

Il nous aura fallu des heures de débats, de recherche et de tests, pour conclure que le nom Bretagne, seul, offrait la meilleure résonnance et la plus forte capacité de rassemblement et de mobilisation autour de lui. Et que la force d’évocation du simple nom BRETAGNE suffit à qualifier la promesse et le contenu de la marque de territoire.

Après quatre années de déploiement, la question peut être remise à l’ordre du jour, car l’intérêt de qualifier cette marque de territoire se pose avec plus d’acuité aujourd’hui pour franchir une nouvelle étape et mobiliser plus largement encore derrière un projet défini portant une ambition affichée et clairement exprimée.

Un nom, un logo, 8 signes d’expression, un vocabulaire visuel, typographique, sémantique : le code de marque de la Bretagne, véritable boîte à outil, est mis à la disposition de tous les acteurs, publics et privés souhaitant contribuer à enrichir et diversifier l’image de la Bretagne, la rendre plus économique, plus innovante, plus moderne, plus créative…

Inspirée de la démarche initiée par le Valais, la Bretagne fait le choix d’une marque de territoire exigeante posant des conditions d’engagement préalables et des critères[1] à respecter pour devenir partenaire de la Marque, utiliser le logo dans sa communication et devenir membre du réseau.

En janvier 2011, la Marque Bretagne est lancée, à Rennes, à l’occasion d’un événement fédérateur qui rassemble l’essentiel des forces vives, politiques, institutionnelles, économiques, sportives, culturelles de la Bretagne historique, du Finistère à la Loire-Atlantique.

Une dynamique structurante

La première motivation qui a conduit à la création de la marque Bretagne était bien de répondre à une problématique d’image du territoire, ou comment faire en sorte que l’image produite collectivement soit le plus juste reflet de nos réalités économiques et de nos talents créatifs.

Sur ce plan, elle a rempli sa mission rapidement et très largement, invitant de nombreux acteurs publics et privés à reconsidérer leur mode d’expression, la qualité de leurs outils de promotion, de leurs productions graphiques et publicitaires.

Une seconde motivation consistait à se donner les moyens de « chasser en meute » selon l’expression de Jean-Yves le Drian, notamment à l’international, à gagner en lisibilité et en visibilité.

Là encore, la marque Bretagne a rempli sa fonction, favorisant les opérations collectives et le regroupement d’acteurs sous une bannière commune, reléguant au second plan les signatures plus institutionnelles de la région, des départements, des villes, des agences de développement, ou des entreprises elles-mêmes… Ces opérations ont considérablement gagné en impact, avec une visibilité renforcée et la mise en cohérence des discours de communication.

Perçue à ses débuts comme un « simple » outil de communication, la marque Bretagne se révèlera être un outil puissant au service de la structuration de la politique d’attractivité ; un formidable accélérateur de la mise en œuvre, un levier mobilisateur, une usine à projets collectifs, un générateur d’idées et d’innovations.

C’est autour de son déploiement que les trois agences de développement de la région (agence économique et d’innovation, comité régional de tourisme, agence internationale) ont considérablement renforcé leur collaboration, coordonné et mutualisé leurs plans d’action.

Ainsi, il existe aujourd’hui en Bretagne une mission dédiée à l’attractivité du territoire qui couvre l’ensemble de la chaîne de valeur autour de trois pôles : pilotage et gestion de la marque, marketing et promotion, accueil des projets d’investissements. Positionnée au sein de l’agence régionale de développement économique (Bretagne Développement Innovation), la direction de l’attractivité dispose d’un budget propre, a pour mission de piloter la stratégie globale d’attractivité de la Bretagne, de coordonner l’action des partenaires, et de définir la stratégie marketing des filières économiques.

En décembre 2014, la marque Bretagne compte 541 partenaires (259 entreprises, 151 associations et 131 organismes publics) pour un total de 777 dossiers de candidature analysés par le comité de marque qui s’est réuni 25 fois.  40 opérations collectives, salons B to B, ont été organisées sous la marque Bretagne en France et 57 à l’international ; 23 workshops tourisme ont eu lieu en France et à l’étranger.

 

Si la création de la marque a précédé la définition de la stratégie d’attractivité et de marketing territorial de la Bretagne, elle a été un élément essentiel de structuration et a donné un coup d’avance à la Bretagne pour l’élaboration d’une stratégie concertée qui reste aujourd’hui à consolider.

L’âge de raison

En 2015, la démarche initiée par la Bretagne entre dans sa 7e année.  Un âge de raison qui lui donne le recul nécessaire pour entrer dans une nouvelle phase de développement, tenant compte des grands enseignements tirés de sa propre expérience,  mais aussi de celles apportées par les meilleures pratiques observées ici ou là, en France, en Europe et ailleurs dans le monde.

Premier enseignement

Parce qu’elle porte une vision, une ambition, et sert une stratégie, la marque de territoire ne vit pas sans un portage politique fort, légitime et transversal qui donne l’impulsion et parle en son nom, tout en jouant des paradoxes : porter haut et fort la marque pour mieux s’en dessaisir, travailler pour le temps long, mais décider dans le temps court ;  le temps long de l’intérêt général territorial contre le temps court des échéances politiques mais aussi de la compétitivité et de la concurrence entre les territoires.

Deuxième enseignement

Les stratégies de marketing territorial contraignent les responsables politiques et institutionnels au changement de culture et au changement de posture. Elles font tomber les frontières administratives au profit d’ensembles territoriaux cohérents ; au nom de l’efficacité et de la cohérence de l’action collective, elles invitent les marques institutionnelles à laisser la place à la marque de territoire dès lors qu’il est question de promouvoir l’offre et de renforcer son attractivité. Pour exister et faire entendre sa voix, la marque de territoire a besoin que soient garanties la connexion et l’articulation entre la stratégie de communication institutionnelle de la collectivité « mère » et la stratégie de marketing territorial.

Troisième enseignement

La marque de territoire est exigeante. Elle demande des moyens à la hauteur de l’ambition collective qu’elle promet de porter :

  • des moyens financiers, car elle doit mobiliser sur le territoire et rayonner au-delà des frontières ;
  • des moyens humains, car elle a besoin de matière grise et d’expertise pour continuer d’innover dans un domaine très fortement concurrentiel, mais aussi parce que la marque partagée s’appuie sur des relais démultiplicateurs qui constituent un réseau à animer au quotidien par des collaborateurs rompus à l’usage des outils de travail collaboratifs et des réseaux sociaux.

En ces temps de contraintes budgétaires pour les collectivités territoriales, il est urgent de créer les conditions de nouvelles formes de financement de l’attractivité ; mutualisation renforcée, mobilisation du secteur privé, des réseaux professionnels, des habitants…

 

Quatrième enseignement

L’articulation est absolument nécessaire entre les stratégies de marketing territorial déployées à différentes échelles de territoires, notamment entre les régions et les métropoles. Cette dimension peut être facilement intégrée dans l’exercice prévu par le projet de loi NOTRe invitant Régions et Métropoles à articuler leurs stratégies de développement économique.

 

Cinquième enseignement

L’indispensable constitution d’une gouvernance et d’un mode d’organisation adaptés autour des grands acteurs clés de l’attractivité du territoire pour permettre la co-construction, la coordination et la mise en œuvre opérationnelle de stratégies d’attractivité et de marketing territorial concertées.

[1] Comment devenir partenaire de la marque Bretagne : www.marque-bretagne.fr

Anne Miriel

Dirigeante, fondatrice d’Inkipit, cabinet spécialisé en attractivité et marketing territorial.

Directrice de la communication de la région Bretagne jusqu’en 2010, puis directrice de l’attractivité du territoire à Bretagne Développement Innovation, l’agence économique de la région, de 2010 à juin 2014.  

anne.miriel@inkipit.net